mercredi 11 mars 2015

Hida - Classe de 3e3 Domaine artistique : Les arts du langage. Lecture analytique du poème d'Apollinaire, Si je mourais là-bas, Poème à Lou.

3ème 3 – Domaine « Arts du Langage »
« Si je mourais là bas », Poèmes à Lou, G. Apollinaire.
Entrée du programme : La poésie dans le monde et dans le siècle : « Nouveaux regards sur le monde dans la poésie contemporaine »
Présentation de l'oeuvre
Titre du poème « Si je mourais là bas... »
Recueil : Poèmes à Lou
Poète : Guillaume Apollinaire (cf. fiche biographique)

Contexte de production du poème : Ce poème date de 1915. Apollinaire s’est engagé volontairement. Le poète a 35 ans quand il écrit ce poème à Lou (Louise de Coligny), la femme qu'il a récemment rencontrée, dont il est très amoureux. Au moment où il écrit ce poème, il est dans l'attente de partir au front : « là-bas »).

Structure du poème : 5 quintils (strophe de 5 vers) + 1 vers final
26 vers en alexandrins (vers de 12 syllabes)
Absence de ponctuation (poème contemporain)


Problématique : Dans quelle mesure le poète porte-t-il un regard
nouveau sur les réalités de la 1ère guerre mondiale ?


La plupart des écrivains donnent une représentation réaliste, c'est-à-dire atroce de la guerre. Apollinaire, engagé volontaire, tranche sur ses prédécesseurs en décrivant sa propre mort comme une source de vie et de bonheur. Le bonheur n’est pas le thème essentiel du texte, mais il est étonnant de le voir associé à la mort, comme dans de nombreux autres « poèmes à Lou ».




Axe 1









































I- Un « poème-lettre »


- Une situation d'énonciation clairement définie : « je » : Apollinaire et « tu » qui est Lou : le poète s'adresse directement à la femme aimée.


- Date et lieu précis à la fin du poème « 30 janvier 1915, Nîmes »
Ces indices nous font penser aux codes d'une lettre.


Emploi d'un vocabulaire courant, emploi du ton de la conversation (même si quelques passages soutenus)


Ce poème a les fonctions d'une lettre :

- donner des nouvelles > ancrage dans l'Histoire > Champ Lexical de la Guerre.
- rassurer l'être aimée > évocation des sentiments
- prévoir un malheur possible « si je mourais.. » sorte de testament (Impératif présent « sois » (vers 25), « souviens t'en » (vers 22) à valeur de conseil > mis en valeur par le tiret)

Ce poème peut s'apparenter à une lettre.
On note la dimension à la fois autobiographique et historique du poème.


Axe 2

II- Une vision cosmique du poète

Apollinaire livre un regard poétique sur la réalité qu'il est en train de vivre, en témoignent les nombreuses images présentes dans le poème.


1. La nature associée à la vie et à la mort


Caractère surprenant de l'association :Guerre et Violence/ Nature et Beauté.


Vers 5 « Un bel obus semblable aux mimosas en fleurs »
COMPARAISON qui souligne une association entre la mort (« l'obus ») et la vie, la joie (« les mimosas en fleurs »).
L'amour semble faire naître des images heureuses dans l'esprit du poète. - « bel obus ».

2. Le thème de l'éclatement de l'espace et des corps


Le poète développe le thème de l'éclatement (cf. citations) répétition du mot « éclater » « éclatant »...> représentatif de la 1ère GM avec l'utilisation d'armes nouvelles qui mutilent et provoquent l'éclatement des corps.


Emploi d'images très visuelles + couleurs chaudes « jaune » - « rouge » : symbole de l'amour.


// à rapprocher de l'esthétique cubiste (dispersion, décomposition, dislocation) cf. Fiche + La Partie de Cartes, Fernand Léger.
Vision poétique de la guerre, nombreuses comparaisons et métaphores.




Axe 3

III- Un poème qui célèbre la vie et l'amour

Paradoxalement, ce poème qui témoigne de la Grande Guerre n'est pas triste/ négatif/noir... Au contraire, il célèbre la VIE et la FEMME AIMEE.
  • CL de la joie, de l'amour :
    « ô ma bien aimée » vers 2
    « un amour » vers19
    « De jeunesse et d'amour » vers 23
    « la plus heureuse étant la plus jolie » vers 25
    Dernier vers : « ô mon unique amour et ma grande folie »
ô = apostrophe que l'on retrouve dans les poèmes lyriques (expression des sentiments)
Poème qui s'achève sur une invocation lyrique : l'amour triomphe.

La vie, l'amour triomphe de la guerre

Le regard poétique d'A. métamorphose la banalité et l'horreur du réel (la violence de la guerre, la peur et la mort omniprésente). Il transforme un poème sur la guerre en hymne à la vie (sentiments forts : son amour fou pour Lou, une intense soif de vivre, un goût prononcé pour le bonheur)
La vie et l’amour sont plus forts que la guerre destructrice ; ils forment « la fontaine ardente du bonheur », métaphore exprimant la chaleur des sentiments, la vie indestructible. Avec lyrisme, le poète exprime sa foi en l’amour capable de transfigurer le monde.



HIDA Classe de 3e3 - Quelques liens autour du poème étudié en classe...

http://www.wiu.edu/Apollinaire/Biographie.htm

3ème 1


Objet d'étude: Extrait de J'ai tué de Blaise Cendrars (1918)


Domaine artistique: Arts du langage














[...] Il y a  là-bas un village à enlever. C’est un gros morceau. Le renfort arrive. Le bombardement reprend. Torpilles à ailettes, crapouillots. Une demi-heure, et nous nous élançons. Nous arrivons à vingt-six sur la position. Prestigieux décor de maisons croulantes et de barricades éventrées. Il faut nettoyer ça. Je revendique alors l’honneur de toucher un couteau à cran. On en distribue une dizaine et quelques grosses bombes à la mélinite. Me voici l’eustache à la main. C’est à ça qu’aboutit toute cette immense machine de guerre. Des femmes crèvent dans les usines. Un peuple d’ouvriers trime à outrance au fond des mines. Des savants, des inventeurs s’ingénient. La merveilleuse activité humaine est prise à tribut. La richesse d’un siècle de travail intensif. L’expérience de plusieurs civilisations. Sur toute la surface de la terre, on ne travaille que pour moi. Les minerais viennent du Chili, les conserves d’Australie, les cuirs d’Afrique. L’Amérique nous envoie des machines-outils, la Chine de la main d’oeuvre. Le cheval de la roulante est né dans les pampas de l’Argentine. Je fume un tabac arabe. J’ai dans ma musette du chocolat de Batavia. Des mains d’hommes et des mains de femmes ont fabriqué tout ce que je porte sur moi. Toutes les races, tous les climats, toutes les croyances y ont collaboré. Les plus anciennes traditions et les procédés les plus modernes. On a bouleversé les entrailles du globe et les moeurs ; on a exploité des régions encore vierges et appris un métier inexorable à des êtres inoffensifs. Des pays entiers ont été transformés en un seul jour. L’eau, l’air, le feu, l’électricité, la radiographie, l’acoustique, la balistique, les mathématiques, la métallurgie, la mode, les arts, les superstitions, la lampe, les voyages, la table, la famille, l’histoire universelle sont cet uniforme que je porte. Des paquebots franchissent les océans. Les sous-marins plongent. Les trains roulent. Des files de camions trépident. Des usines explosent. La foule des grandes villes se rue au ciné et s’arrache les journaux. Au fond des campagnes les paysans sèment et récoltent. Des âmes prient. Des chirurgiens opèrent. Des financiers s’enrichissent. Des marraines écrivent des lettres. Mille millions d’individus m’ont consacré toute leur activité d’un jour, leur force, leur talent, leur science, leur intelligence, leurs habitudes, leurs sentiments, leur coeur. Et voilà qu’aujourd’hui j’ai le couteau à la main. L’Eustache de Bonnot. « Vive l’humanité ! » Je palpe une froide vérité sommée d’une lame tranchante. J’ai raison. Mon jeune passé sportif saura suffire. Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité. J’ai bravé la torpille, le canon, les mines, le feu, les gaz, les mitrailleuses, toute la machinerie anonyme, démoniaque, systématique, aveugle. Je vais braver l’homme. Mon semblable. Un singe. Oeil pour oeil, dent pour dent. A nous deux maintenant. A coup de poing, à coups de couteau. Sans merci. Je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J’ai tué le Boche. J’étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J’ai frappé le premier. J’ai le sens de la réalité, moi, poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre.
Nice, 3 février 1918. Blaise Cendrars, J’ai tué.
Crapouillot=petit mortier de tranchée. Mélinite = Explosif à base d’acide picrique. Eustache =dans le langage familier, couteau de poche servant d’arme. Roulante = cantine roulante.  Batavia= ancien nom de Djakarta, ville d’Indonésie. Inexorable=sans pitié.  Marraines de guerre  = associations nées en 1915 de femmes ou de jeunes filles qui entretiennent des correspondances avec des soldats au front afin de les soutenir moralement. Bonnot = meneur de ce que la presse appela la « bande à Bonnot », un groupe anarchiste ayant multiplié les braquages et les meurtres en 1911-1912. Torpille= Obus à ailettes tiré depuis une tranchée avec un mortier.