dimanche 31 mai 2015

Hida - Classe de 3e3 Domaine artistique : Les arts du langage. Lecture analytique d'un extrait du roman A l'ouest, rien de nouveau, Erich Maria Remarque.

3ème 3 – Domaine « Arts du Langage »
Erich Maria Remarque, A l'ouest, rien de nouveau, 1928.
Entrée du programme : Romans et nouvelles des XX° et XXI° siècles porteurs d’un regard sur l’histoire et le monde contemporain.


Présentation de l'oeuvre
Titre de l'oeuvre : A l'ouest, rien de nouveau
Auteur : Erich Maria Remarque (cf. fiche biographique)
Roman autobiographique (lu en lecture cursive = lu en entier dans le cadre d'une séquence Hida)

Contexte de production de l'oeuvre et auteur :

Erich Maria Remarque, de son vrai nom Erich Paul Remark, est un écrivain allemand né en 1898. Il a été mobilisé dans l'armée Allemande en 1916 et envoyé sur le front de l'ouest (Belgique et nord-est de la France) en 1917. Témoin direct de la guerre, Erich Maria Remarque a été blessé pendant les combats. Rédaction d'un journal pendant la guerre. Il devient journaliste.
En 1933, à la suite d'autodafés nazis, Erich Maria Remarque s'exile en Suisse, puis aux Etats-Unis où il sera naturalisé en 1947.

Le roman relate la vie d'un jeune soldat allemand (19 ans) dans la guerre de position.


Contextualisation de l'extrait : (à la fin du roman) Paul, le narrateur, a poignardé un soldat français qui avait trouvé refuge dans le même trou d'obus que lui lors d'un bombardement. Après une interminable agonie, et malgré les efforts de Paul pour le soigner, l'homme meurt. Rongé par le remords, Paul s'adresse à lui.
Explication du titre : le jour où le narrateur meurt, tout était tranquille sur le front, l'état-major signale alors, sur le bulletin « A l'ouest, rien de nouveau ».

Problématique : Comment EMR, à travers le personnage de Paul, témoigne t-il de de la souffrance des soldats ?




Axe 1




























1er mouvement : ligne 1 à 34 : Paul (le narrateur) s'adresse à l'homme qu'il a tué (discours direct : «  ... » « Je » « tu »)
2ème mouvement : ligne 35 à 54 : Paul cherche l'identité de l'homme et fait part de ses réflexions intérieures.

I- L'humanité du soldat


- Paul s'adresse au mort : discours direct : «  camarade » (lignes 2 – 13), « mon frère » (ligne 21), répétition de la comparaison « comme moi » (ligne 10), « comme nous » (ligne 15). Ces éléments soulignent la fraternité dont fait preuve le narrateur. Ils ne sont plus deux ennemis mais deux hommes, victimes de la guerre.

  • Parallélisme de construction « tous la même peur, la même façon de mourir, les mêmes souffrances » 
  • questions rhétoriques
  • « tes grenades » « ta baionnette » « tes armes » « ta femme » « ton visage » : énumération, le vocabulaire de la guerre se transforme peu à peu en vocabulaire qui fait référence à l'humain.

- Emploi du tutoiement qui souligne la proximité, il n'y a plus de hiérarchie, ce sont deux soldats, deux êtres humains.

Registre pathétique : personnage qui exprime sa souffrance/ plainte.

Obsession du pardon, confusion du narrateur. Le choix du point de vue interne est source d'empathie (= on se met à la place de Paul).


Axe 2
II- Un homme écrasé par la souffrance physique et morale :

Un soldat brisé par la souffrance morale.

Paul exprime une souffrance morale intense, liée à la conscience d'avoir tué non pas ennemi mais un homme, avec une identité, une vie, un métier, une femme..

Expression du remord = « pardonne moi, camarade » comme une litanie.
Dans le discours direct, il tente de se justifier... on rend les soldats inhumains (// Fernand Léger)

De nombreuses images soulignent la souffrance morale du narrateur  :
  • métaphore : (ligne 40) « Son nom est un clou qui s'enfoncera en moi et que je ne pourrais plus arracher ».
  • comparaison : « je veux hâter le dénouement.. de même que l'on fracasse contre un arbre une main dont la douleur est insupportable »
Gradation dans la souffrance qui devient de plus en plus forte et insoutenable. Paroxysme du roman, point culminant.



Conclusion :

  • réalisme ; description précise des atrocités de la guerre (point de vue interne).
  • message pacifiste dans cet extrait et plus généralement dans le roman. La description des atrocités (tranchées, obus, soldats démembrés, gaz..) de la guerre doit produire sur le lecteur un effet de dégoût, de peur de la guerre, et de haine envers envers les responsables de cette effroyable guerre. (// autodafé nazi dans les années 30, le roman n'incitant pas la jeunesse allemande à combattre)
  • dénonciation du cercle infernal dans lequel est enfermé le soldat une fois envoyé sur le front. Il devient un homme-bête : il révèle son animalité et sa bêtise. En effet, il tue les soldats adverses dans l'unique but de survivre, et obéit sans réfléchir, comme une machine. Lorsque le soldat prend conscience de ses actes, il est plongé dans une souffrance morale extrême, à l'image de Paul dans cet extrait.



mercredi 11 mars 2015

Hida - Classe de 3e3 Domaine artistique : Les arts du langage. Lecture analytique du poème d'Apollinaire, Si je mourais là-bas, Poème à Lou.

3ème 3 – Domaine « Arts du Langage »
« Si je mourais là bas », Poèmes à Lou, G. Apollinaire.
Entrée du programme : La poésie dans le monde et dans le siècle : « Nouveaux regards sur le monde dans la poésie contemporaine »
Présentation de l'oeuvre
Titre du poème « Si je mourais là bas... »
Recueil : Poèmes à Lou
Poète : Guillaume Apollinaire (cf. fiche biographique)

Contexte de production du poème : Ce poème date de 1915. Apollinaire s’est engagé volontairement. Le poète a 35 ans quand il écrit ce poème à Lou (Louise de Coligny), la femme qu'il a récemment rencontrée, dont il est très amoureux. Au moment où il écrit ce poème, il est dans l'attente de partir au front : « là-bas »).

Structure du poème : 5 quintils (strophe de 5 vers) + 1 vers final
26 vers en alexandrins (vers de 12 syllabes)
Absence de ponctuation (poème contemporain)


Problématique : Dans quelle mesure le poète porte-t-il un regard
nouveau sur les réalités de la 1ère guerre mondiale ?


La plupart des écrivains donnent une représentation réaliste, c'est-à-dire atroce de la guerre. Apollinaire, engagé volontaire, tranche sur ses prédécesseurs en décrivant sa propre mort comme une source de vie et de bonheur. Le bonheur n’est pas le thème essentiel du texte, mais il est étonnant de le voir associé à la mort, comme dans de nombreux autres « poèmes à Lou ».




Axe 1









































I- Un « poème-lettre »


- Une situation d'énonciation clairement définie : « je » : Apollinaire et « tu » qui est Lou : le poète s'adresse directement à la femme aimée.


- Date et lieu précis à la fin du poème « 30 janvier 1915, Nîmes »
Ces indices nous font penser aux codes d'une lettre.


Emploi d'un vocabulaire courant, emploi du ton de la conversation (même si quelques passages soutenus)


Ce poème a les fonctions d'une lettre :

- donner des nouvelles > ancrage dans l'Histoire > Champ Lexical de la Guerre.
- rassurer l'être aimée > évocation des sentiments
- prévoir un malheur possible « si je mourais.. » sorte de testament (Impératif présent « sois » (vers 25), « souviens t'en » (vers 22) à valeur de conseil > mis en valeur par le tiret)

Ce poème peut s'apparenter à une lettre.
On note la dimension à la fois autobiographique et historique du poème.


Axe 2

II- Une vision cosmique du poète

Apollinaire livre un regard poétique sur la réalité qu'il est en train de vivre, en témoignent les nombreuses images présentes dans le poème.


1. La nature associée à la vie et à la mort


Caractère surprenant de l'association :Guerre et Violence/ Nature et Beauté.


Vers 5 « Un bel obus semblable aux mimosas en fleurs »
COMPARAISON qui souligne une association entre la mort (« l'obus ») et la vie, la joie (« les mimosas en fleurs »).
L'amour semble faire naître des images heureuses dans l'esprit du poète. - « bel obus ».

2. Le thème de l'éclatement de l'espace et des corps


Le poète développe le thème de l'éclatement (cf. citations) répétition du mot « éclater » « éclatant »...> représentatif de la 1ère GM avec l'utilisation d'armes nouvelles qui mutilent et provoquent l'éclatement des corps.


Emploi d'images très visuelles + couleurs chaudes « jaune » - « rouge » : symbole de l'amour.


// à rapprocher de l'esthétique cubiste (dispersion, décomposition, dislocation) cf. Fiche + La Partie de Cartes, Fernand Léger.
Vision poétique de la guerre, nombreuses comparaisons et métaphores.




Axe 3

III- Un poème qui célèbre la vie et l'amour

Paradoxalement, ce poème qui témoigne de la Grande Guerre n'est pas triste/ négatif/noir... Au contraire, il célèbre la VIE et la FEMME AIMEE.
  • CL de la joie, de l'amour :
    « ô ma bien aimée » vers 2
    « un amour » vers19
    « De jeunesse et d'amour » vers 23
    « la plus heureuse étant la plus jolie » vers 25
    Dernier vers : « ô mon unique amour et ma grande folie »
ô = apostrophe que l'on retrouve dans les poèmes lyriques (expression des sentiments)
Poème qui s'achève sur une invocation lyrique : l'amour triomphe.

La vie, l'amour triomphe de la guerre

Le regard poétique d'A. métamorphose la banalité et l'horreur du réel (la violence de la guerre, la peur et la mort omniprésente). Il transforme un poème sur la guerre en hymne à la vie (sentiments forts : son amour fou pour Lou, une intense soif de vivre, un goût prononcé pour le bonheur)
La vie et l’amour sont plus forts que la guerre destructrice ; ils forment « la fontaine ardente du bonheur », métaphore exprimant la chaleur des sentiments, la vie indestructible. Avec lyrisme, le poète exprime sa foi en l’amour capable de transfigurer le monde.



HIDA Classe de 3e3 - Quelques liens autour du poème étudié en classe...

http://www.wiu.edu/Apollinaire/Biographie.htm

3ème 1


Objet d'étude: Extrait de J'ai tué de Blaise Cendrars (1918)


Domaine artistique: Arts du langage














[...] Il y a  là-bas un village à enlever. C’est un gros morceau. Le renfort arrive. Le bombardement reprend. Torpilles à ailettes, crapouillots. Une demi-heure, et nous nous élançons. Nous arrivons à vingt-six sur la position. Prestigieux décor de maisons croulantes et de barricades éventrées. Il faut nettoyer ça. Je revendique alors l’honneur de toucher un couteau à cran. On en distribue une dizaine et quelques grosses bombes à la mélinite. Me voici l’eustache à la main. C’est à ça qu’aboutit toute cette immense machine de guerre. Des femmes crèvent dans les usines. Un peuple d’ouvriers trime à outrance au fond des mines. Des savants, des inventeurs s’ingénient. La merveilleuse activité humaine est prise à tribut. La richesse d’un siècle de travail intensif. L’expérience de plusieurs civilisations. Sur toute la surface de la terre, on ne travaille que pour moi. Les minerais viennent du Chili, les conserves d’Australie, les cuirs d’Afrique. L’Amérique nous envoie des machines-outils, la Chine de la main d’oeuvre. Le cheval de la roulante est né dans les pampas de l’Argentine. Je fume un tabac arabe. J’ai dans ma musette du chocolat de Batavia. Des mains d’hommes et des mains de femmes ont fabriqué tout ce que je porte sur moi. Toutes les races, tous les climats, toutes les croyances y ont collaboré. Les plus anciennes traditions et les procédés les plus modernes. On a bouleversé les entrailles du globe et les moeurs ; on a exploité des régions encore vierges et appris un métier inexorable à des êtres inoffensifs. Des pays entiers ont été transformés en un seul jour. L’eau, l’air, le feu, l’électricité, la radiographie, l’acoustique, la balistique, les mathématiques, la métallurgie, la mode, les arts, les superstitions, la lampe, les voyages, la table, la famille, l’histoire universelle sont cet uniforme que je porte. Des paquebots franchissent les océans. Les sous-marins plongent. Les trains roulent. Des files de camions trépident. Des usines explosent. La foule des grandes villes se rue au ciné et s’arrache les journaux. Au fond des campagnes les paysans sèment et récoltent. Des âmes prient. Des chirurgiens opèrent. Des financiers s’enrichissent. Des marraines écrivent des lettres. Mille millions d’individus m’ont consacré toute leur activité d’un jour, leur force, leur talent, leur science, leur intelligence, leurs habitudes, leurs sentiments, leur coeur. Et voilà qu’aujourd’hui j’ai le couteau à la main. L’Eustache de Bonnot. « Vive l’humanité ! » Je palpe une froide vérité sommée d’une lame tranchante. J’ai raison. Mon jeune passé sportif saura suffire. Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité. J’ai bravé la torpille, le canon, les mines, le feu, les gaz, les mitrailleuses, toute la machinerie anonyme, démoniaque, systématique, aveugle. Je vais braver l’homme. Mon semblable. Un singe. Oeil pour oeil, dent pour dent. A nous deux maintenant. A coup de poing, à coups de couteau. Sans merci. Je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J’ai tué le Boche. J’étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J’ai frappé le premier. J’ai le sens de la réalité, moi, poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre.
Nice, 3 février 1918. Blaise Cendrars, J’ai tué.
Crapouillot=petit mortier de tranchée. Mélinite = Explosif à base d’acide picrique. Eustache =dans le langage familier, couteau de poche servant d’arme. Roulante = cantine roulante.  Batavia= ancien nom de Djakarta, ville d’Indonésie. Inexorable=sans pitié.  Marraines de guerre  = associations nées en 1915 de femmes ou de jeunes filles qui entretiennent des correspondances avec des soldats au front afin de les soutenir moralement. Bonnot = meneur de ce que la presse appela la « bande à Bonnot », un groupe anarchiste ayant multiplié les braquages et les meurtres en 1911-1912. Torpille= Obus à ailettes tiré depuis une tranchée avec un mortier.